De l'intérêt à éduquer ses petits camélidés
Vous trouverez souvent des textes qui mentionnent l’éducation de lamas ou d‘alpagas. « Quelle idée ? » penserez-vous sans doute. « Est-ce que vraiment cela s’éduque ? » se demanderont d’autres personnes. Ou enfin, vous vous direz : « mais je ne veux pas en faire un animal de cirque ! ». Toutes ces réflexions sont fondées, et je vais essayer ici d’y répondre, mais peut-être pas dans l’ordre.
Je commencerai par « l’animal de cirque ». Nous ne voulons certainement pas en faire des animaux de cirque, cependant, avouez que quand vous les tondez, avoir un animal tranquille est certainement plus confortable pour vous et le tondeur ! Et le lama (ou l’alpaga), qu’en pense-t-il, lui ? Si vous vous mettiez à sa place deux petites minutes : on vous saute dessus pour vous attraper (parfois 3 ou 4 personnes ! Certaines que vous n’avez jamais vues !), on vous emmène dans un endroit que vous ne connaissez pas, on vous ligote et on approche de vos oreilles un horrible engin bruyant ou vrombissant… Est-ce confortable pour lui ? J’ai pris l’exemple de la tonte, mais il est clair que des animaux conduits en douceur seront plus faciles quand vous leur demanderez quelque chose de nouveau, qu’ils seront moins stressés donc moins sujets à maladies, et que si vous faites de la reproduction, vous mettez toutes les chances de votre côté (moins de risque d’avortements).
Est-ce que cela s'éduque ?
« Est-ce que cela s’éduque ? » était la deuxième question. Oui, les petits camélidés s’éduquent, très bien même, puisqu’ils apprennent en trois fois. Il vous suffit de répéter les gestes trois fois (en douceur bien sûr et en les décomposant).
Cependant, pour faciliter l’apprentissage, il est indispensable de comprendre comment fonctionnent ces animaux, quel est leur mode de vie, et pourquoi ils se comportent de cette manière.
Leur comportement
Leur mode de vie : ce sont des animaux qui vivent en groupe (pour les femelles et les mâles non-territoriaux) et qui ont un territoire (pour les mâles territoriaux, qui ne partagent pas ce territoire avec d’autres mâles, mais doivent pouvoir voir les autres petits camélidés). Donc, c’est le premier point à respecter. Si on ne prête pas attention à cette première piste, ce n’est pas la peine d’aller plus loin ! On aura tout faux.
Le groupe peut être plus ou moins grand, avec d’autres animaux éventuellement (moutons par exemple, si votre lama est « gardien de troupeau »).
Deuxième point important qui dicte leur comportement : ce sont des proies qui doivent en permanence se protéger du prédateur. C’est inscrit dans leurs gènes, nous ne pourrons pas le changer ! Donc, nous composerons avec. Pour échapper au prédateur, la réponse de choix des petits camélidés est la fuite. Ils ont besoin du groupe (plusieurs individus à surveiller, possibilité de dispersion en cas d’attaque…). Ils ont également besoin de leur tête (où se trouvent les organes des sens qui vont leur permettre de détecter un danger), de leurs pattes (surtout les pattes arrière) et d’espace.
Séance d'éducation
Construisez-vous deux corrals : le corral de rassemblement dans lequel vous regroupez tous les petits camélidés de la même parcelle (sa taille va dépendre du nombre d’animaux que vous avez), et à l’intérieur de celui-ci, le petit corral de dressage (2,50 m x 2,50 m).
Chaque fois que nous souhaiterons travailler avec un lama ou un alpaga, nous rentrerons tout le groupe auquel il appartient, dans le corral de rassemblement. Ainsi, il sera rassuré : le groupe est avec lui (= respect de son mode de vie). Puis nous ferons entrer l’élève dans le petit corral de dressage. Il doit pouvoir voir ses compagnons (= respect de son besoin de protection contre le prédateur). Au début de l’apprentissage, un seul humain entrera avec lui dans ce petit corral (= respect de son besoin de protection contre le prédateur). Nous interviendrons de profil (jamais de face, ce qui est l’attitude du prédateur). Dans cet espace, nous lui apprendrons le licol en décomposant la nouveauté : d’abord notre présence à côté de lui, puis la sensation de pression sur le cou, puis présence de la sangle sur le nez, puis l’attache du licol proprement dite. Dix minutes suffisent pour ce premier apprentissage, nous recommencerons demain et le jour suivant. Puis, nous lui apprendrons la longe : nous le sortirons le long du corral de rassemblement (nous le longerons, ne nous éloignons surtout pas du groupe ! = respect de son besoin de protection contre le prédateur )… Si vous souhaitez vous éloigner du corral de rassemblement, emmenez avec vous un deuxième camélidé, compagnon du premier (= respect de son besoin de protection contre le prédateur).
Si vous utilisez cette démarche chaque fois que vous souhaitez introduire une nouveauté dans la gestion de vos animaux (que ce soit l’apprentissage du licol, du bât, de la tonte etc…), vous respectez leurs besoins fondamentaux et donc vous obtiendrez leur coopération.
Christiane Guidicelli